Gérez votre culture émotionnelle
La plupart des leaders se concentrent sur la façon dont les employés pensent et se comportent – mais les sentiments importent tout autant.
Par Sigal Barsade et Olivia A. O’Neill
Avant de quitter le travail chaque jour, les employés d’Ubiquity Retirement + Savings appuient sur un bouton dans le hall d’entrée. Ils ne pointent pas – au sens traditionnel du terme. En fait, ils enregistrent leurs émotions.
Ils peuvent choisir entre cinq boutons : un smiley souriant s’ils se sont sentis heureux au travail ce jour-là, un smiley fronçant les sourcils s’ils se sont sentis tristes, etc.
Cela peut avoir l’air d’un gadget des RH (« Vous voyez ? La direction se soucie de votre bien-être ! ») ou d’un instrument de satisfaction forcée (« L’équipe avec le plus de smileys gagne ! »). Mais ce n’est ni l’un ni l’autre. Ubiquity utilise l’information collectée pour comprendre ce qui motive les employés – pour apprendre ce qui leur fait ressentir un sentiment d’appartenance et d’enthousiasme au travail. D’autres entreprises commencent à faire la même chose. Certaines utilisent des applis qui enregistrent à quel point les gens s’amusent. Certaines embauchent des consultants en technologie qui se spécialisent dans le suivi mensuel, hebdomadaire, quotidien ou même horaire des humeurs. Malheureusement, ces organisations sont minoritaires. La plupart des compagnies font peu attention à la façon dont se sentent – ou devraient se sentir – les employés. Elles ne réalisent pas à quel point les émotions sont cruciales lorsqu’il s’agit de construire la bonne culture.
Lorsque les gens parlent de culture d’entreprise, ils font typiquement référence à la culture cognitive : les valeurs intellectuelles, les normes, les artefacts et les hypothèses partagés qui servent de guide au groupe afin qu’il progresse. La culture cognitive donne le ton aux employés sur la façon dont ils doivent penser et se comporter au travail : par exemple, à quel point ils sont ou devraient être concentrés sur les clients, innovants, orientés vers le travail d’équipe ou compétitifs.
La culture cognitive est indéniablement importante dans le succès d’une organisation. Mais ce n’est qu’une partie du problème. L’autre aspect crucial est ce que l’on appelle la culture émotionnelle de groupe : valeurs affectives, normes, hypothèses et artefacts partagés qui influencent quels types d’émotions les gens ont et expriment au travail et lesquelles ils feraient mieux de gommer. Bien qu’ici la distinction clé soit entre penser et ressentir, les deux types de culture sont aussi transmis différemment : la culture cognitive est souvent exprimée verbalement, alors que la culture émotionnelle a tendance à être exprimée au moyen de signaux non oraux tels que le langage corporel et les expressions faciales.
Malgré un renouveau de la connaissance (surnommée « la révolution affective ») sur la façon dont les émotions influencent le comportement des gens au travail, la culture émotionnelle est rarement gérée aussi posément que la culture cognitive – et souvent elle n’est pas gérée du tout. Par conséquent, les entreprises souffrent. Les employés supposés montrer de la compassion (lors de soins de santé par exemple) deviennent insensibles et indifférents. Les équipes à qui la joie et la fierté seraient utiles entretiennent à la place une culture de la colère. Les gens qui ne possèdent pas en eux une saine dose de peur (par exemple, dans les firmes de sécurité ou dans les banques d’investissement) agissent imprudemment. Les effets peuvent être particulièrement néfastes lorsque les temps sont agités, comme lors de restructurations organisationnelles et de revers financiers.
Dans nos recherches menées au cours de la décennie passée, nous avons découvert que la culture émotionnelle influence la satisfaction, les burn-out, le travail d’équipe des employés et même des mesures difficiles telles que la performance financière et l’absentéisme. Nombre d’études empiriques montrent l’impact significatif des émotions sur la façon dont les gens accomplissent des tâches, à quel point ils sont engagés, créatifs et dévoués à leur organisation et la façon dont ils prennent des décisions. Les émotions positives sont invariablement associées à une perfomance, à une qualité et à un service client meilleurs – cela est également vrai à travers les rôles et secteurs d’activité et à des niveaux organisationnels variés. D’autre part (avec quelques exceptions à court terme), les émotions négatives telles que la colère, la tristesse, la peur de groupe, etc., mènent généralement à des issues négatives, notamment des résultats médiocres et une rotation élevée du personnel.